Not Gay as in Happy but Queer as in Fuck You

Not Gay as in Happy but Queer as in Fuck You

Alors que Frigide essaye de rattraper le coup après ses appels à la haine, je me pose bien des questions quant à la mobilisation des homosexuelLEs face à tout ça. Il y a eu en décembre un grand élan avec comme apogée : une manifestation massive qui a eu lieu à Paris en janvier. L'apogée car depuis, que s'est-il passé du côté des homosexuelLEs ? Ça y est la loi est votée, on va l'avoir notre mariage avec ses listes de cadeaux, ses réductions d'impôts, ses repas de famille et d'amis où l'on boit à n'en plus finir... et la jarretière ? On y aura droit nous aussi ? Qu'il y ait des personnes qui  veulent se marier, tant mieux pour elles, mais que nous laissions des espèces de trublions dire des saloperies sur nous tous les jours depuis des mois, ça ne dérange personne ? Bien sûr que si ça vous dérange. Ça nous dérange, mais la plupart doit se dire que ça y est c'est fini, le combat est gagné, mais rien n'est gagné ! Depuis que la manif pour tous a, elle, gagné en ampleur, qu'en est-il du mouvement homosexuel ?

Il y a eu un rassemblement dernièrement à l'hôtel de ville de Paris suite à l'agression d'un couple homosexuel, mais pour tous les autres ? Ceux/celles qui subissent des brimades au quotidien, ceux/celles qui crèvent dans un coin sans que rien ne soit dit, ceux/celles qui décident de se donner la mort parce qu'iELs ne peuvent pas vivre ce qu'iEls sont... Mais entendons nous bien, je ne critique pas ces rassemblements, au contraire ils ont le mérite d'exister face au néants de ces dernières années, je suis simplement déçu qu'ils n'aient pas été assez réguliers ces derniers mois, ni suffisamment importants. Je ne critique pas non plus les associations qui font ce qu'elle peuvent comme elles le peuvent, ce que je critique c'est l'individu et sa capacité à se résigner !

Quand j'entends parler de communauté homosexuelle, je ne peux m'empêcher de penser qu'elle n'existe pas. Elle a existé des années 70 aux années 90, puis plus rien. On a oublié. Depuis, nous sommes devenus les cibles marketings parfaites. Ceux/celles qui peuvent s'offrirent le matériel dernier cri car iELs en ont les moyens. IEls le peuvent,  iEls n'ont pas d'enfants ! Quand il s'agit de ça, là, il y du respect !  On a cru que l'homophobie/transphobie n'était plus que quelque chose de ponctuel, j'y ai presque cru moi aussi. Au fil des années et des rencontres, je me suis constitué un entourage très ouvert sur ces questions, mais quand on regarde comment ça se passe en dehors de nos groupe d'amiEs, qu'en est-il ? Je travaillais dans le social et je suis vite revenu sur terre en entendant l'homophobie latente ou déclarée que je retrouvais dans le discours des plus jeunes. Une homophobie, une xénophobie, car c'est plus la peur de l'autre, la haine de l'autre, la peur de la différence, la haine de la différence en général que notre société continue à reproduire, comme si rien ne s'était passé pendant toutes ses années. Comme si nos différences étaient responsables de leur mal-être, de leurs situations de merde. Et pourtant la différence est une source inépuisable de ressources, mais ça c'est plus difficile à entrevoir qu'il n'y parait.

Je ne me suis jamais retrouvé dans le « milieu », ni dans la « communauté ». J'ai toujours eu l'impression de pas être plus à ma place qu'ailleurs. Quand on se fait refoulé d'un bar gay parce qu'on a un piercing au septum apparent ou une casquette, on se pose des questions, même si j'ai bien ri en premier lieu. Mais je n'ai pu m'empêcher de tourner et retourner cette question dans ma tête : le milieu gay prétendument ouvert, l'est-il tant que ça ? La réponse est non. Quelle déception. Quelle déception de voir que les établissements qui sont contents de voir leurs clientEs dépenser leur argent dans les clubs et bars « gay », les établissements qui financent les chars colorés de la marche des fiertés, n'ont pas montré le bout de leur nez lors des derniers événements, face à d'autres qui ont su trouver l'argent nécessaire pour monter des manifs monstrueuses, grâce à l'argent du culte. Utilisons alors l'argent du cul !  Pourquoi les bars, les boîtes et autres établissements estampillés gay ou gay friendly, n'ont-ils pas fermé leurs portes une journée/une nuit pour montrer qu'ils sont autre chose que des entreprises capitalistes et qu'ils sont solidaires de leurs clientEs. Une question de survie financière me direz-vous (surtout en ces temps de crise), là où l'on devrait parler de survie tout court ! Nous sommes donc des produits « gays » vu par des produits « gays », consommés par et consommant des produits « gays » dans des soirées « gays » où la concentration de musclors dépasse l'entendement. D'ailleurs où sont-ils aujourd'hui  ? Où étaient-ils hier et les autres fois, quand il fallait trouver des volontaires pour assurer la sécurité des manifs. Peut-être sont-ils occupés à bien remplir des dossiers d'inscription pour leur futur mariage ? Et les homosexuelLEs politiques , ceux/celles de la télé ou artistes connuEs ? J'aurais voulu qu'iELs prennent position, qu'une grève générale des homosexuelLEs se mette en place... Ils auraient été malins les bon défenseurs des droits des enfants de ne plus avoir d'instituteurs/institutrices, ni leur animateur/animatrice télé préféréEs, ni plombier pour réparer leurs chiottes ou de flic pour les défendre... mais je sais, je sais, je rêve. Tout n'est pas si simple, tout le monde ne peut pas prendre position, parce que l'homophobie et la transphobie sont bien présentes dans notre société.

Tout ça participe au fait que je ne me retrouve pas dans une communauté, et je ne suis pas le seul.

C'est en partie pour ces raisons que je ne supporte pas d'être estampillé gay. On ne demande pas, après tout aux hétérosexuels de faire leur coming out de leur hétérosexualité. Je ne veux pas être réduit à ma sexualité et ne sortir que dans des lieux où le seul point commun que j'aurais avec les autres serait nos attirances sexuelles. Je sors là où il me plaît de sortir, là où l'ambiance et la musique me correspondent, là où on ne va pas me fournir la soupe mainstream à laquelle je suis censé adhérer. Quand on me demande si je suis gay en soirée, si je suis en forme je réponds : tu veux savoir si je suis pédé ou si je suis heureux, car je suis les deux. Je n'aime pas le mot « gay » qui pour moi est une jolie supercherie, une étiquette de supermarché, je préfère homo ou pédé ou mieux Queer. Pour moi, être Queer, c'est refuser de se réduire à une vision étroite de la sexualité, être Queer c'est accepter les différences et les mettre en avant, être Queer c'est n'en avoir rien à foutre de ne pas correspondre à une uniformité, une norme lisse et bien pensante. Être Queer c'est aller se faire foutre parce qu'on aime ça et le souhaiter au monde entier. D'ailleurs je me le suis fait tatouer : not gay as happy but queer as fuck you.

Alors vous comprendrez que faire des manifestations où l'on doit montrer le meilleur visage de l'homosexualité (être sage et policé, sans répondre aux agressions), ça me fait bien rire. La dernière à laquelle j'ai participé consistait en une réunion de personnes autour d'un drapeau arc-en-ciel qui se faisait secouer (le drapeau bien sûr). Là encore, même si je suis critique, je sais reconnaître qu'il s'est passé au moins quelque chose. Mais peu de monde, peu d’enthousiasme à part quelques militantEs prônant l'autodéfense face à la montée de l'homophobie. Leurs slogans en ont choqué certains, chacun ses limites, chacun ses valeurs, mais moi ce qui m'a vraiment choqué, c'est que nous n'étions qu'une poignée ! Comme pour le dernier défilé de la "manif pour tous" qui a paradé dans les rues de Toulouse en voiture. Nous étions trois à chercher, en ce bel après midi ensoleillé, si un rassemblement avait lieu. Mais nous n'avons rien trouvé nul part, à part ce collectif qui fait chier les bien-pensants. Nous sommes restés avec eux, nous avons criés sur les manifestantEs de la manif-pour-tous dégoulinants de faux sourire, qui nous lançaient des vrais faux on-vous-aime, le visage plein de haine, car il y a des sourires de circonstances qui ne savent pas cacher le dégoût. Ils ne nous aiment pas et nous non plus. Ils ne sont pas pacifistes et je pense que je ne le suis plus. Nous ne sommes pas dupes, personnes n'est dupe mais pourquoi personne n'est venu spontanément et en nombre leur crier qu'on ne veut pas de leurs insultes, qu'on ne veut pas de leur merde ? Ah oui j'avais oublié, la loi est presque passée, on va l'avoir notre droit à se marier. Pourquoi nos amiEs hétéros sont si peu nombreux à nous soutenir sur le terrain ? Ah oui j'avais oublié, la loi est presque passée, on va l'avoir notre droit à se marier.

On a oublié que des gens se sont levés, ont dressé le poing et ont crié : « stop on en a assez ! » ; que des gens se sont battus, sont morts pour que nous ayons le droit de vivre comme des citoyenNEs égaux-les. Parce qu'il s'agit de ça, d'égalité et non de normalité. Je me fous totalement d'être normal mais je veux pouvoir être traité d'égal à égal.

Avec tout ça, vous me demanderez peut être pourquoi je ne milite pas dans une organisation. Hé bien, je ne ferai pas partie d'une association, d'un collectif ou d'un parti car je n'aime pas qu'on me dicte ce que je dois penser et ça a toujours été ainsi. Mais autant que je le pourrai je ne baisserai pas la tête, autant que je le pourrai je le dirai, autant que je le pourrai je l'écrirai, autant que je le pourrai je le crierai : Soyez révoltéEs, ne soyez pas résignéEs ! Not Gay as in Happy but QUEER as in FUCK YOU !