Ce soir j'étais content. Après un weekend sympathique, j'avais passé la soirée avec des amis merveilleux pour assister au concert sensationnel de Madmoizel. J'empruntais la rue Gabriel Péri au cours du long chemin qui séparait le St des seins de mon domicile lorsqu'on m'interpela : « Bien le chapeau ». De mon œil expert et entrainé je détaillais la source du commentaire. Un grand noir bien battit aux cheveux courts et peroxydés. Je répondis : « Jolie ceinture », après avoir reconnu les couleurs arc-en-ciel-gay de sa ceinture. Il me dit « tu es sûr ? », je répondis « j'en suis certain ».

Il marchait vite. Il était déjà à une dizaine de mètres devant moi. Je pensais à son corps contre mon corps, comme un volcan qui dort. Il s'arrêta, sorti une bouteille de son sac et bût. Je le rejoins. Il me tendit sa bouteille. J'allais la saisir quand je m'aperçus qu'il s'agissait de Vodka. Je lui dis que j'avais de l'eau et que ça m'allait très bien. J'entamais la conversation. Nous fîmes un bout de chemin ensemble et arrivé en haut de Gabriel Péri nous nous arrêtâmes.

Il avait passé 4 mois en prison pour de nombreux vols dans des magasins, et là il se rendait chez un gars « très sympa » dont il ne connaissait ni l'adresse ni le numéro de téléphone parce qu'il n'a pas de téléphone. Il avait un œil noir et l'autre bleu. Son corps se dessinait au travers de ses vêtements serrés. En un quart d'heure je sus tout de sa vie compliquée de foyer en foyer, de formation en formation, jusqu'à ce que je ne m'imagine plus du tout le ramener chez moi.

Je mis alors ma main sur son bras pour clore la conversation. Il me demanda mon prénom, il me donna le sien. Il me dit « je t'embrasse », et quand je lui tendit la joue il me répéta « je t'embrasse », enfournant sa grosse langue humide et habile dans ma bouche, serrant mon corps tout contre son corps, comme un volcan qui dort.