Nous étions trois à nous rendre au rendez-vous. Excités comme des petites putes extasiées, nous avions réservé bien à l’avance pour être sûr de pouvoir jouir des oreilles. Quelle surprise nous eûmes en nous rendant compte du monde venu pour les mêmes raisons. Le public était varié et compressé dans la salle comme pour une Travesti Monster. Nous ne savions pas à quoi nous attendre réellement sur scène mais nous étions sûrs que cela nous plairait.
Les musiciens prirent place. Le silence se fit et la tension monta d’un cran. De l’ombre doucement apparut une forme fébrile, avançant difficilement, on aurait pu la croire fragile. La lumière découvrit délicatement la silhouette vêtue de satin noir, une paire de menottes en strasses pendant au poignet gauche. La poétesse était là, la frange droite et radicale, les bras levés et les paumes en l’air, prête à accueillir le public dans son monde. Ses premiers mots furent libres comme toute sa vie et la musique commença. Le train était parti pour l'univers poétique et mélodique de la prêtresse des mots. Ceux-ci nous percutèrent de plein fouet. Impossible de rester stoïque face au vent de liberté qui soufflait dans ses paroles. Textes engagés à l’humour décalé, tristes parfois, beaux toujours, à chaque phrase un peu de folie pénétrait nos esprit. Comme une extraterrestre, qu’elle a toujours été, l’Esprit Libre, notre septuagénaire non conventionnelle préférée, Brigitte Fontaine, dépucela nos psychés à coup de mots, accédant au plus profond, parlant directement à nos inconscients. Le show se finit par la chanson Soufi et nous comprîmes alors que le soufi de notre soirée ce fût elle, nous entraînant dans sa danse tournoyante jusqu’à l’ivresse.
Nous en sommes restés les mots à la bouche.