A la fin du mois de mai, une performance de Fraise Vinyl eut lieu dans un lieu tenu secret. C'est sous le pont neuf que nous avions rendez-vous, munis d'un parapluie. On nous distribua des fraises rouges et juteuses au bout de grands pics de bois. Douceur qui pouvait piquer pour faire patienter.
Tout à coup un réveil se mit à sonner. Il avançait rapidement en tyrolienne sur un fil, nous montrant ainsi la marche à suivre. Silencieux et dociles nous partîmes vers l'inconnu. Un peu plus loin, il y avait un ouverture dans un mur, des bâches noires faisaient office de portes. Un couloir sombre et glauque, un tunnel où nous attendions serrés les uns contre les autres, impatients, n'osant pas parler. Au bout du tunnel, des lumières firent leur apparition et la pluie se mit à tomber. Nous ne voyions pas grand chose et il fallait attendre notre tour pour pénétrer la pièce mystérieuse cachée par des rideaux de plastique transparents. Nous entrâmes intrigués.
A l'intérieur, des lapins noirs aux têtes géantes et aux corps de femme se tenaient immobiles. Il pleuvait de l'eau lumineuse, tombant en goutte du plafond équipé d'un savant système de tuyaux transparents, écrivant le mot dream. Dans cette forêt de personnages étranges et identiques, un jeune fille jouait de la cithare japonaise, sous un abri de fortune, sa robe trainant au sol jusqu'aux invités. Puis il fallut partir.
Rêve éveillé où il pleut de la lumière. Présences féminines étranges. Lapins Donnie Darkien. Ambiance inquiétante et rassurante. Bruit de pluie et mélodie. Ce fût un voyage au pays des merveilles ténébreuses, à l'arrière goût d'amertume et de beauté triste, dans lequel nous nous sommes lancés en toute confiance et à corps perdu, nous reconnaissant dans les reflets déformés des flaques luminescentes, seuls au milieu de tous.