Hier soir c'était le joyeux anniversaire de B. qui entre bien malgré lui dans le second tiers de sa vie, rejoignant quelques autres qui se sentaient seuls et vieux. Soirée très sympathique où les hommes étaient beaux et les filles pas mal. Boisson, cake, gâteau au chocolat. Puis, au fur et à mesure que le sol devenait plus amoureux de nos chaussures, nous jouant quelques tours (j'en ai vu finir dans des portes), tout a basculé.

On prévient toujours, mais c'est inévitable. Il ne faut pas inviter les lesbiennes-babos (ou lesbos), elles sont bien trop pénibles ! O. essayant d'entrainer, et d'étrenner, les jolis gens au son du disco dans une nuée de paillettes en a fait les frais. Despotiques de la playlist, handicapées du double-clic, il était quasiment impossible d'écouter une chanson dans son entier. Pas plus possible que de se déhancher en tout bonheur au son du « Call Me » de Blondie. Que la foule, emportée par le beat, conspue aux coupures brutales n'y changeait rien. Après qu'une dizaine de personnes aie tenté d'éloigner ses harpies de l'objet vital de la soirée (l'ordinateur qui joue la musique), O. décida de prendre les choses en main, comme il aime à le faire, avec toute la délicatesse et la diplomatie qui le caractérise.

« J'espère au moins que tu te rends compte que tu fais chier tout le monde à couper la musique sans arrêt ? À moins que tu fasses tellement de rétention annale qu'il t'es impossible de lâcher le contrôle de cet ordinateur, auquel cas je pourrai compatir. »

O. aurait pu s'en douter : la lesbos accepte difficilement les remarques masculines, même des plus perspicaces. À ce moment précis où la musique est coupée, où les corps en danse terminent leurs mouvements, où les yeux se tournent, cherchant une explication, où tout flotte comme de la bave dans un verre de coca-cola, la lesbos se lève.

Vociférant, elle pousse O. violemment, faisant tomber son serre-tête chevelu qu'il avait mit une heure à confectionner. Et là tout s'enchaine en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « sado-maso ».

V., chevalier de chaque instant de O., surgit tel un cabri pour le réceptionner et s'interposer. Les mots fusent. Les gestes volent. Quand tout à coup, comme invoquée du néant, l'alter ego de la lesbos fond sur V., des deux côtés à la fois, dans un espace devenu surréaliste et improbable, et le frappe au visage avec un pilon à cocktails, lui brisant deux dents d'un geste rageur.

La foule se presse.
Des mains en surgissent et les saisissent.
Puis plus rien.
Le confort de bras chauds et humides.
Des caresses dans les cheveux.
Des cris qui s'éloignent au loin.
Une étreinte qui se relâche, rassurée.

Les lesbos ont disparu.

Furie lesbos