Le double G.
VI.

Un autre jour à une autre heure dans une autre ville ; Seliba venait de raccompagner à la porte de son squat un figurant qu’il avait adopté pour une partie de la nuit. Il s’apprêtait à se doucher sur fond sonore de Putty Latex quand il entendit une voix en provenance de l’entrée.
-    Y’a quelqu’un ?

Cette voix n’était pas celle d’un de ses 12 colocataires. Seliba se para alors d’une mini serviette volubile et pudique qui l’enroula comme elle le pouvait. Il coupa la musique et se rapprocha de la source sonore qui l’avait dérangé. Il fut surpris de trouver dans l’entrée, un jeune homme. Il devait avoir dix sept ans et sept mois et être encore puceau mais portait très bien son costume de livreur. Il était tout en sueur. Quatorze étages sans ascenseur est un bon test pour savoir si le nouveau déodorant sur le marché est vraiment efficace.

-    Excusez moi, dit le livreur avec un air un peu gêné, je viens livrer un colis. Je cherche un certain Seliba.
-    Oui, il habite ici répondit Seliba, le regard sombre.
Il avait perçu la gêne du livreur et il souhaitait en jouer un peu avant de passer à autre chose.
-    Pouvez vous me l’appeler demanda le livreur, décidément de plus en plus gêné.
-    Cinq heures du matin, c’est un peu tôt ou un peu tard pour une livraison, dit Seliba d’un air suspicieux.
-    Ben, vous savez depuis la privatisation c’est pas facile de livrer tout le monde dans les temps alors je prend de l’avance.
-    Si t’es en avance, tu prendras bien un café ? proposa Seliba avec un regard de lover.
-    Ben, c’est que je voudrais bien garder mon avance et donner ce colis en forme de gode à Seliba, rétorqua le livreur.

Seliba fut troublé, non pas par le paquet du livreur à la forme éloquente mais par la résistance fragile à ses avances habiles que mettait en place le jeune ingénu. Se pouvait-il qu’il fût insensible à son charme latin ? Ça faisait un bail qu’on ne lui avait résister aussi longtemps, ce qui avait le don de l’émoustiller encore plus. Il ne lâcherait pas le morceau comme ça. La cible était verrouillée. Au passage Seliba avait remarqué que le colis était recouvert de strass rouge avec une tête de mort qui rit en strass noir. C’était le code couleur et forme en vigueur pour une alerte urgente à niveau très haut. Il lui restait encore un peu de pouvoir. La nuit n’était pas finie mais elle ne tarderait pas à disparaître et laisser place à un jour au camaïeu de gris, comme toujours. Il décida que l’urgence pouvait attendre encore un peu.

-    Ok, Seliba c’est moi. Mais… je te prendrai ton colis que si tu prends un café.
-    D’accord mais je bouge pas d’ici. Je bois un café avec un demi sucre et un nuage de crème cramoisie et je me tire juste après, déclara le livreur.

Seliba avait remarqué l’empressement du livreur. Il était visiblement très tendu. Seliba alla chercher le café avec un demi sucre et un nuage de crème cramoisie à la cuisine et revint avec une petite tasse qu’il tenait de façon nonchalante. Il avança de façon sexy, la mini serviette découvrant un peu plus son corps à chaque pas. L’échange eu lieu au milieu de l’entrée. Le livreur ne savait pas que ce café allait changer le cours de sa vie. Seliba avait imprégné le demi sucre de sa salive encore chargée de GHB.  Le livreur pris son café d’un trait, grâce à la paille donnée avec le costume de travail par la société de livraison, conçue pour augmenter le rendement et éviter la perte de temps due aux us et coutumes.

-    Qui livres tu après ? demanda Seliba d’un air coquin.
-    Oh, une vieille dame et son chien d’après ce qui est écrit sur l’adresse. C’est à dix minutes trente d’ici, puis je dois aller dans un couvent puis dans un club de rugby, puis une morgue…
-    Hé ben, tu vas en voir des choses différentes aujourd’hui, le coupa Seliba en ricanant dans sa barbe naissante. Je vais te laisser partir très vite et te souhaite bon courage pour ta tournée qui, j’en suis sûr, sera merveilleusement instructive.
-    Ah bon, vous croyez ?
-    Oui, crois moi mon petit tu ne regretteras pas d’avoir pris de l’avance aujourd’hui dit Seliba d’un air mystérieux en raccompagnant fermement le livreur à la porte.

Il le laissa sur le palier, les bras chargés des nombreux colis qu’il devait livrer. C’est sans se soucier de son devenir plein de promesses, qu’il lui claqua la porte au nez. Seliba pouvait maintenant se concentrer sur l’ouverture du colis. Comme prévu c’était un gode et en lui dévissant le cul, il trouva des échantillons avec un petit mot qui disait :

Cher Seliba,

Voici comme convenu des échantillons.
Fais en ce que tu dois
Et lève le mystère. De bon aloi,
Répond à nos interrogations.

Glitterement vôtre. Sexy.S 

PS : le gode fonctionne.

Seliba quitta le hall d’entrée et sa serviette. Il alla s’installer dans son laboratoire, s’enfermer pour ce qui restait de nuit.

INTERLUDE

Le livreur se sentit tout chose sur le pas de la porte de l’appartement de l’homme presque nu au regard mystérieux. C’était la première fois. Il n’avait jamais livré auparavant. Il rêvassa deux minutes puis reprit ses esprits et sa tournée. Il lui fallait se rendre à la prochaine adresse de livraison.
Tout en avançant, il se sentit de mieux en mieux, quoiqu’un peu cotonneux, et à l’arrivée au 69 rue des glaïeuls, il était clair qu’une envie émergeait au plus profond de lui.
La grand-mère et son chien étaient déjà éveillés, ils l’attendaient pour prendre de  l’avance sur leur journée vide. Ding dong. La grand-mère ouvrit.

-    Bonjour, j’ai un colis en forme de double gode XL et un livre intitulé Stupre et tremblement, pour La grand-mère et son chien au 69 rue des glaïeuls.
-    Oui c’est moi. Mais entrez donc jeune homme. Vous prendrez bien un café.
La vieille femme en bougeant laissa sa robe de chambre rose matelassée s’entrouvrir sur des dessous de dentelles affriolants.
-    Ben si vous insistez… je ne pourrai résister, dit le livreur complètement désinhibé.
-    Mignon, je sens qu’on va bien s’entendre dit la vieille avec un regard lubrique, un sourire en coin.
-    Wouf wouf fit le chien en remuant la queue.

Le livreur pénétra l’intérieur de la vieille et son chien. La porte se ferma.
Un peu plus tard, le jeune homme sortit tout débraillé. Il venait de vivre une expérience curieuse. Il faisait jour, il était en retard et ce n’était que le début. Il chassa l’image floue de la vieille en tenue de vinyle et son chien à la langue habile. Les voies du seigneur étant impénétrables, il décida de passer outre le couvent et de se rendre directement au club de rugby. Son envie était toujours là et les rugbymen, étant de bons conseils pour ce genre de chose, pourraient sûrement l’aider. Il marcha sur le chemin du stade, les pupilles dilatées, un tourbillon de sensation le traversait. Le livreur arriva aux portes des vestiaires, l’entraînement venait de terminer. Il poussa la porte doucement, un nuage de vapeur d’eau chaude en profita pour sortir. Les odeurs étaient fortes à l’intérieur, sueur et gel douche bon marché à la vanille. Brouillard chaud. Le jeune homme avança doucement, se rapprochant des douches d’où venait des rires et les bruits de ruissellement. Il était tellement excité qu’il ne vit pas arriver le rugbyman nu au torse puissant et velu qui le plaqua au sol avec violence. Le livreur se soumit aussitôt.

-    Que fais tu là petit imprudent ? demanda le rugbyman nu au torse puissant et velu d’une voix de baryton.
-    Je viens livrer du poppers et des colis en forme de gode à toute l’équipe, dit le livreur la gueule écrasée sur le carrelage blanc et glissant du sol des vestiaires.
-    Hé les gars, la livraison est là, cria d’une voix forte le rugbyman  nu au torse puissant et velu tout en maintenant fermement le livreur au sol. Et je crois qu’on va bien s’amuser….
Le livreur se crut au paradis à la vue, en contre plongée, de l’équipe au complet qui sortait des douches avec empressement et sans pudeur.

Quelques heures plus tard le livreur sortit des vestiaires, défoncé dans tous les sens du terme, gratifié d’une bonne tape dans le dos de la part de toute l’équipe. Sur le pas de la porte, les rugbymen lui lancèrent :
-    Ciao et reviens nous livrer quand tu veux…
-    Ok les mecs.

La livraison n’était pas terminée mais le livreur était décidé à honorer son contrat. Livreur de colis en forme de gode est un dur métier.
Le livreur mettra du temps à finir sa livraison, trop selon son patron. Il se fera virer mais deviendra Porn Star dès sa majorité grâce au film « Livreur en chaleur ». Sa carrière prendra alors une tournure des plus intéressante.

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