Les Vipères et Lolo B.
III.

La nuit était tombée sur Notwin Pinktown. Les éclairages publics se reflétaient dans l'eau et les ponts des deuxièmes étages étaient fermés. Un jeune homme rentrait seul chez lui, pas très rassuré. Il avait pris une barque-taxi pour passer la partie émergée de la ville. Il n'avait jamais vraiment aimé naviguer mais il y était bien obligé et ça le rendrait renfrogné. Ainsi va la vie se dit-il, en maintenant son cap sur la rue Va Gina, une longue rue tortueuse qui permettait de sortir des inondations du centre ville. Arrivé à destination, il laissa la barque repartir à la recherche d'un nouveau client et s'en alla à pied, les mains dans les poches et le col relevé. Il y avait moins de lumière dans cette partie de la ville car les lampadaires ne se reflétaient dans rien, mais cela ne l'affectait pas, il était trop content d'avoir retrouvé la terre ferme et les pavés inégaux.
Il avançait d'un pas assuré quand un bruit attira son attention. Il s'arrêta et tendit l'oreille droite le plus loin possible pour définir la provenance de ce bruit. En fait, c'était plutôt comme une présence, une respiration lente et sensuelle, un son captivant. Le jeune homme se tourna vers un porche sombre pour voir ce qu'il entendait mais il faisait nuit et il ne voyait rien. Ces yeux fouillaient le noir. Il y avait comme une ombre dans l'ombre. Une ombre qui semblait lui chuchoter d'approcher, plus près, plus près encore, et le jeune homme s'approcha. Arrivé à une distance raisonnable, un mouvement s'amorça dans la nuit. De l'ombre pointèrent des tétons gainés de vinyle rouge, ils avancèrent petit à petit comme la proue d'un bateau sortant de la nuit, petit à petit, découvrant la face caché d'un iceberg inouï. L'homme n'en croyait pas ses yeux, c'était une paire de seins énormes qui se révélaient à la lueur de l'éclairage public qui vira immédiatement au rouge de pudeur. Au bout de la paire de seins, il y avait une femme, mais l'homme n'arrivait pas à la regarder dans les yeux, son regard était rivé sur son décolleté vertigineux. S'il avait pu voir son visage, il aurait vu une figure féminine étrange traversée d'un rictus, une espèce de sourire qui en disait long sur les intentions de la fille qui se tenait au bout de ces énormes nichons. L'homme ne pu s'empêcher de s'approcher encore, avec une envie irrésistible de fourrer sa tête dans l'interstice mammaire qui remplissait tout son champ de vision. Les seins se libérèrent de leur gaine de vinyle qui était en fait une robe. La poitrine s'offrit encore plus au jeune homme qui se sentait homme plus que jamais. C'était une invitation, un peu comme quand une personne vous ouvre les bras en signe de bienvenue avec l'intention qu'on s'y jette sans retenue pour l'enlacer avec joie. « Vas y mon coco, viens dans mes lolos » susurra sensuellement une voix. L'homme ne se fit pas prier plus longtemps pour réaliser un phantasme jusqu'ici refoulé.
Un passant passant par hasard aurait été témoin d'une scène bizarre : un homme penché en avant, la tête cachée dans une gigantesque poitrine, mais personne ne passait par là ce soir. Personne n'entendit non plus le craquement de vertèbres qui résonna au milieu de la nuit, ni le petit rire étouffé et plein de satisfaction qui s'échappa d'une bouche pulpeuse aux alentours de minuit.

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