La nuit était tombée sur Notwin Pinktown. Les éclairages publics se
reflétaient dans l'eau et les ponts des deuxièmes étages étaient fermés.
Un jeune homme rentrait seul chez lui, pas très rassuré. Il avait pris
une barque-taxi pour passer la partie émergée de la ville. Il n'avait
jamais vraiment aimé naviguer mais il y était bien obligé et ça le
rendrait renfrogné. Ainsi va la vie se dit-il, en maintenant son cap sur
la rue Va Gina, une longue rue tortueuse qui permettait de sortir des
inondations du centre ville. Arrivé à destination, il laissa la barque
repartir à la recherche d'un nouveau client et s'en alla à pied, les
mains dans les poches et le col relevé. Il y avait moins de lumière dans
cette partie de la ville car les lampadaires ne se reflétaient dans
rien, mais cela ne l'affectait pas, il était trop content d'avoir
retrouvé la terre ferme et les pavés inégaux.
Il avançait d'un pas assuré quand un bruit attira son attention. Il
s'arrêta et tendit l'oreille droite le plus loin possible pour définir
la provenance de ce bruit. En fait, c'était plutôt comme une présence,
une respiration lente et sensuelle, un son captivant. Le jeune homme se
tourna vers un porche sombre pour voir ce qu'il entendait mais il
faisait nuit et il ne voyait rien. Ces yeux fouillaient le noir. Il y
avait comme une ombre dans l'ombre. Une ombre qui semblait lui chuchoter
d'approcher, plus près, plus près encore, et le jeune homme s'approcha.
Arrivé à une distance raisonnable, un mouvement s'amorça dans la nuit.
De l'ombre pointèrent des tétons gainés de vinyle rouge, ils avancèrent
petit à petit comme la proue d'un bateau sortant de la nuit, petit à
petit, découvrant la face caché d'un iceberg inouï. L'homme n'en croyait
pas ses yeux, c'était une paire de seins énormes qui se révélaient à la
lueur de l'éclairage public qui vira immédiatement au rouge de pudeur.
Au bout de la paire de seins, il y avait une femme, mais l'homme
n'arrivait pas à la regarder dans les yeux, son regard était rivé sur
son décolleté vertigineux. S'il avait pu voir son visage, il aurait vu
une figure féminine étrange traversée d'un rictus, une espèce de sourire
qui en disait long sur les intentions de la fille qui se tenait au bout
de ces énormes nichons. L'homme ne pu s'empêcher de s'approcher encore,
avec une envie irrésistible de fourrer sa tête dans l'interstice
mammaire qui remplissait tout son champ de vision. Les seins se
libérèrent de leur gaine de vinyle qui était en fait une robe. La
poitrine s'offrit encore plus au jeune homme qui se sentait homme plus
que jamais. C'était une invitation, un peu comme quand une personne vous
ouvre les bras en signe de bienvenue avec l'intention qu'on s'y jette
sans retenue pour l'enlacer avec joie. « Vas y mon coco, viens dans mes
lolos » susurra sensuellement une voix. L'homme ne se fit pas prier plus
longtemps pour réaliser un phantasme jusqu'ici refoulé.
Un passant
passant par hasard aurait été témoin d'une scène bizarre : un homme
penché en avant, la tête cachée dans une gigantesque poitrine, mais
personne ne passait par là ce soir. Personne n'entendit non plus le
craquement de vertèbres qui résonna au milieu de la nuit, ni le petit
rire étouffé et plein de satisfaction qui s'échappa d'une bouche
pulpeuse aux alentours de minuit.